Fleuron de l’architecture militaire, le fort de Mons-en-Baroeul a été magnifiquement restauré en 2004 dans le cadre de Lille capitale européenne de la culture. Dès lors, il est devenu un lieu de partages de cultures et d’émotions où se retrouvent les amateurs de patrimoine, des arts et des lettres, de concerts… et d’espace naturel. Il connait une fréquentation en constante augmentation grâce aux divers équipements dont il est doté.  Il y reste de vastes espaces non utilisés aujourd’hui, deux cours, des tunnels, en plus, éventuellement, les douves et, à l’extérieur du Fort, les espaces dits « la plaine du Fort ».

Une partie de ces espaces (deux cours intérieures) a fait l’objet d’une convention signée en novembre 2018 entre la ville et les représentants de l’association l’Aire du Temps. Ils offrent un potentiel propice à des initiatives multiples à inventer avec des amateurs de jardins et d’agriculture urbaine d’où qu’ils viennent avec comme fil rouge : devenir un laboratoire expérimental, «l’ère des perma-possibles ». Ce test de faisabilité reproductible en d’autres lieux de la ville entend répondre à l’ambition d’augmenter l’autonomie alimentaire du territoire avec des produits de saison, ultra locaux, de qualité, comme cela commence d’ailleurs à se pratiquer ici ou là en France,  en Europe et au-delà, avec des régies municipales agricoles ou encore des politiques alimentaires volontaristes

Utopie ? L’objectif est certes ambitieux car envisager une autonomie nourricière périphérique peut aujourd’hui sembler irréalisable mais néanmoins cela répond à la nécessité d’anticiper les changements de comportements qu’il va falloir adopter face aux aléas climatiques qui se concrétisent.

C’est une éthique, une philosophie, une démarche à construire avec des participants volontaires mais séduits par l’idée d’une « permaculture humaine » où respect, partage co-construction… sont autant d’atouts pour initier une économie à base de projets locaux s’appuyant sur les capacités de chacun à donner de son temps, et à inventer, proposer, un fonctionnement mené de façon collégiale façon loi 1901.

Un potentiel de surfaces disponibles suffisant existe dans la ville de Mons de même que des cuisines très bien équipées en divers lieux pour préparer les repas des cantines scolaires ou ceux des personnes âgées. Devenir une ville exemplaire sur les volets production/alimentation/restauration pourrait être un objectif majeur des projets municipaux lors des échéances électorales à venir en plus de ceux liés à la réhabilitation de logements ou de développement d’axes de mobilité douce.

Qu’en est-il en ce premier printemps ?

Dès décembre, suite à la signature de la convention, les mercredis du Fort sont nés suite à la participation des représentants de l’Aire du Temps à d’autres initiatives au sein du lieu, ce qui a permis de créer des contacts notamment lors de marchés de produits de maraîchers locaux. 

En janvier et février plusieurs chantiers participatifs ont à nouveau permis de tisser des liens, communiquer, tester les envies notamment sur la thématique agriculture urbaine.

C’est ainsi que six bacs hors sol ont été réalisés à l’aide de palettes recyclées. Ils viennent d’être remplis de terreau, compost pour accueillir les premiers semis. Il est prévu d’en construire bien davantage mais, l’association ne dispose pas de moyens financiers pour le moment, les dossiers de subventions potentiels ne pourront être établis qu’en 2019. Les activités commencent donc en douceur.

Quels freins ?

Un écologue réalise l’état des lieux pour le compte de la ville ; il y a bien sûr nécessité d’analyser les sols, notamment ceux situés sur les anciennes parties voutées, de réduire l’envergure des branches d’arbres  trop invasives pour que les futures cultures soient mieux exposées à la lumière. 

Si le nombre de bacs de cultures augmente, que plusieurs ruches sont réparties sur le site et même un poulailler, cela nécessitera une sécurisation du site notamment la nuit et le passage journalier d’un responsable : des prestations qui ne peuvent être uniquement bénévoles.

Actuellement, le projet repose uniquement sur l’énergie des fondateurs de l’Aire du Temps : 5 personnes piliers et une quinzaine de bénévoles. Ils portent par ailleurs un autre projet consacré à l’alimentation en lien avec l’association Act terre, l’idée étant de passer « de la terre à la table » un objectif dont ils mesurent avec lucidité la complexité de mise en œuvre et la nécessité de procéder étapes par étapes pour séduire, donner envie à des acteurs divers, convaincre par les résultats progressifs. C’est une  participation active régulière ou sporadique peu importe et qui se veut différente des traditionnelles adhésions à une association renouvelées chaque année sous forme de modiques soutiens financiers.

Le projet alimentation est bâti sur une maitrise du cycle  total : production – transformation. Il s’agit de prestations traiteurs à partir de produits locaux de qualité, de plus en plus bio, de saison issus de circuits courts même en ce qui concerne la viande, la volaille :  aucun produit  de grandes surfaces.

Dans un premier temps les récoltes du fort sont appelées à être distribuées aux participants avant de passer à une autre étape en fonction de l’implantation de nouveaux bacs hors sols, celle de couvrir peu à peu les besoins du département traiteur.

A ce jour, la dynamique n’est pas évidente à enclencher :  le projet n’est pas encore assez connu car il n’a pas été intégré dans les publications municipales officielles telles lettres d’info, e-mails, réseaux sociaux… un fonctionnement administratif qui prend du temps pour annoncer les animations diverses figurant dans les agendas officiels de la ville. Il est prévu en effet un volet pédagogique autour des futurs jardins avec accueil des écoles, ateliers de découverte faune/flore locale en fonction des saisons et des conférences pour tous publics pour tous sujets liés à l’écologie (énergie verte, récupération d’eau de pluie, compostage…)

Un problème global lié aussi aux compétences de chaque entité territoriale entre ce qui est du ressort de la métropole et donc subi par la ville, par exemple la compétence gestion des déchets et ce qui est de la compétence ville uniquement. Il se trouve que la ville est propriétaire de vastes terrains « espaces verts » où se trouvent les  centres de loisirs et où se déroulent des animations comme « nos quartiers d’été » donc ponctuelles. Ils sont simplement entretenus en tant que tels : un potentiel sous utilisé à l’heure des changements en matière de transition écologique,  une réelle opportunité de développer une agriculture en ville avec et pour les habitants.

L’association Act’terre, « grande sœur » de l’Aire du temps a réalisé un inventaire des terrains « perdus » aux yeux de ses membres et éligibles à de premières réorientations vers des fonctions comestibles : il a fallu deux ans pour que les premiers arbres fruitiers soient plantés. Le concept « plante ta ville » est séduisant mais reste trop  occasionnel. Le soutien des élus de la ville sera déterminant pour changer d’échelle et passer à un engagement de long terme résolument dédié à une montée en puissance  radicale des sources d’approvisionnement locales.

Convaincre via la montée en puissance des premiers jalons au sein du laboratoire Fort de Mons est l’ambition à court terme des membres de l’Aire du temps : un des atouts de la réussite passe bien sûr par une large communication à Mons bien-sûr mais dans toute la métropole également.

Cette rencontre répond à l’objectif « facilitateurs de liens » de l’association EDA en matière de valorisation des initiatives d’agriculture en ville  : le potentiel existe, reste à le faire savoir pour que les projets ne restent pas au stade d’utopie mais se concrétisent peu à peu.

www.airedutemps.org

                                                                             Louis Spriet/Aire du Temps – A.Villers/EDA